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Page:Sand - La Filleule.djvu/88

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quelque chose d’un peu plus neuf que les complaintes ou les bourrées de Stéphen.

» — Oui, dit le vieillard, je le veux bien, mes enfants. Vous aimez le neuf, n’est-ce pas ? Je vais vous en donner.

» Et, se plaçant au piano, il se mit à jouer admirablement quelque chose de sublime qui me jeta dans une extase où je restai plongé longtemps encore après qu’il eut fini.

» Mes amis l’écoutaient avec plaisir et l’applaudissaient avec élan. Sur quoi, Roque se remit à disserter, cette fois, sur la musique moderne comparée à celle du siècle dernier. Il avait lu, la veille, un ouvrage critique à ce sujet, et il nous le résuma avec beaucoup de précision et de clarté. Seulement, il trouva matière à prouver le raisonnement de son auteur, en faisant des remarques sur le prétendu motif de Bellini que l’Allemand venait de nous servir.

» Je n’écoutais guère, et pourtant, bien que je ne fusse pas assez savant en musique pour deviner l’auteur de cette chose admirable, je sentais si bien que, par sa profondeur et sa simplicité, elle n’appartenait pas à l’école moderne, que je ne pus me défendre de hausser les épaules devant les applications de mon ami. Alors le vieux maître se tourna vers moi :

» — Vous voyez, monsieur, me dit-il, ce que c’est que la prévention sans l’expérience, et la théorie sans la pratique. Votre ami prétend que ces formes-là n’auraient pu être trouvées il y a cent ans, et pourtant je viens de vous jouer tout bonnement un choral à trois parties de Sébastien Bach.

» Roque s’en alla de fort mauvaise humeur, tous mes amis en riant, et je restai seul avec le vieux maître d’harmonie. »

. . . . . . . . . . . . . . .

Ici s’interrompt encore le fragment, et nous sommes forcé d’y suppléer de nouveau. Ce que Stéphen oublie ou supprime, c’est ce que M. Schwartz lui dit ce soir-là. Il lui déclara qu’il était un grand musicien et qu’il pouvait devenir