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Page:Sand - La Filleule.djvu/97

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— Vous partez !

— Eh bien, et vous aussi.

Il m’a semblé d’abord que cela voulait dire : « Vous partez avec nous… » Mais, moi aussi, je m’en souviens, j’avais parlé, il y a quelques jours, d’aller en Berry voir mon père, qu’on me dit malade. J’ai rêvé qu’elle me disait de la suivre… J’ai eu le vertige ! Mais non, elle pleurait ! Ô mon Dieu, elle a pleuré pour moi !… Je crains de devenir fou.

. . . . . . . . . . . . . . .


17 mars.

Il me semble que sa mère s’inquiète de ce qui se passe en moi. Pourquoi donc son regard pèse-t-il quelquefois sur le mien comme celui d’un juge sur un coupable ? Ne peut-elle donc plus lire jusqu’au fond de mon âme ? De ce que cette âme est devenue triste, n’est-elle pas toujours aussi pure ? Et si je souffre, si je m’alarme, si je sens que je ne peux pas vivre sans elle, que lui importe ?

Si j’étais nécessaire au bonheur d’Anicée comme elle l’est au mien, sa mère pourrait s’inquiéter… et encore !… Si cela était, ne lui consacrerais-je pas ma vie entière ? Moi qui m’attacherais à tous ses pas, rien que par égoïsme, que serait-ce donc si j’étais assez béni du ciel pour qu’elle invoquât mon dévouement ?

… Hélas ! je suis un enfant ! L’amour s’empare de moi avec violence, et je veux encore me donner le change, me persuader que c’est de l’amitié, qu’on ne doit rien redouter de moi, que je ne dois rien craindre de moi-même. Mon Dieu ! il me semble pourtant que je ne demande, pour être le plus calme, le plus satisfait des hommes, que de la voir tous les jours, là, dans son paisible intérieur, auprès de sa mère, entourée de ses