Aller au contenu

Page:Sand - Le Beau Laurence.djvu/232

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

tière est un vertige, et je suis encore bien jeune ; je n’ai pas vingt-huit ans ! J’ai passé par des existences si diverses que je ne sais vraiment plus qui je suis. Tout est aventure et roman dans cette existence agitée. Il y avait bien vraiment de quoi être un peu fou. Sans vous, je le serais devenu tout à fait, car, lorsque vous m’avez rencontré dans un cabaret, j’étais en train de devenir un viveur de village, peut-être un ivrogne triste et rêvant le suicide dans les fumées du vin bleu. Grâce à vous, j’ai repris possession de moi-même, mais l’exaltation a augmenté, et il était temps d’en finir. Mon pauvre père, pardonne-moi ce que je dis là !

Une larme vint au bord de sa paupière ; il se versait machinalement un second verre de vin de Malvoisie. Il le versa dans le seau à glace, et, comme je le regardais :

— Je ne bois plus, dit-il, si ce n’est par distraction et sans savoir ce que je fais. Sitôt que j’y pense, vous voyez, je m’abstiens.

— Pourtant, vous soupez ainsi tous les soirs ?

— Oui, habitude de comédien qui aime à faire de la nuit le jour.

— Au village, pourtant…