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Page:Sand - Le Beau Laurence.djvu/34

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sur cette roche stérile. Le sentiment de détresse morale augmenta le mal physique. Nous fûmes plus consternés que nous ne l’avions été au moment du naufrage. Lambesq devint insoutenable de plaintes inutiles et de vaines récriminations. Le matelot qui nous était resté et qui était une véritable brute, parlait déjà en pantomime de tirer au sort lequel de nous serait mangé.

Le soir, la pluie ayant cessé, on brûla, pour ranimer Anna qui s’évanouissait à chaque instant, le peu de bois que l’on avait. Impéria, à qui je fis accepter les aliments que j’avais mis en réserve, les lui fit prendre ; ce qui restait en magasin disparut pendant la nuit, dévoré par Lambesq ou par le matelot, peut-être par tous les deux. Toute l’eau douce mise en réserve y passa ou fut gaspillée.

Cette troisième nuit fit succéder un froid si vif à la pluie qui avait percé nos vêtements, que nous ne pouvions plus parler, tant nos dents claquaient. On éventra la caisse aux costumes et on revêtit au hasard tout ce qu’elle contenait de pourpoints, de robes, de pelisses et de manteaux. Les femmes aussi étaient mouillées, la pluie avait pénétré et la toile qui leur servait de velarium et la voûte de roches