EUGÈNE. — J’ouvre une motion.
DAMIEN. — Et moi aussi.
MAURICE. — J’ouvre aussi la mienne.
EUGÈNE. — Je me suis inscrit le premier pour la parole. Je propose de promener notre théâtre de marionnettes dans toute la France.
DAMIEN. — C’est ce que j’allais dire !
MAURICE. — C’est curieux, j’allais le dire aussi !
EUGÈNE. — Aux voix ! messieurs !… Mais c’est déjà fait, et j’expose mon projet. Nous achetons une petite charrette.
DAMIEN. — Je propose un amendement : nous la faisons nous-mêmes.
EUGÈNE. — Accordé ! Nous y emballons notre scène, nos décors, nos acteurs, nos costumes, et nous la traînons alternativement sur les grandes routes.
MAURICE. — Je propose un amendement : nous achetons un âne.
DAMIEN. — Un âne !… millionnaire, laisse-nous donc ! Un âne, ça coûte !
EUGÈNE — Et puis, ça mange.
MAURICE. — Eh bien, nous dressons Pyrame et nous en faisons un cheval de trait. Qu’en dis-tu, Pyrame ? Tu nages là comme un cachalot, et tu ne t’intéresses pas au sort glorieux qu’on te réserve !
DAMIEN. — Un chien de cette taille-là, ça mange aussi, et ça ne se nourrit pas de chardons ! J’aime mieux l’âne.
EUGÈNE. — Ne disputons pas, messieurs. L’état de notre budget décidera de nos moyens de transport, et si la caisse est vide, nous serons nos propres bêtes de trait.
DAMIEN. — Oui, à condition que votre théâtre sera plus portatif ; je me charge de vous trouver une combinaison plus simple pour le démonter, le remonter, le dresser et l’emballer. Je commence mon plan ce soir ; j’adapte les proportions de la brouette ad hoc. Je fais un compartiment pour les coulisses, un pour les toiles de fond, un coffre à l’arrière pour les acteurs, un pour les costumes, un pour les accessoires, avec une étiquette sur chaque division…