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Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/152

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» — Non, reprit-il, il ne faut pas m’adorer, puisque je ne peux pas vous rendre un sentiment aussi exalté, et il faut vous habituer aux convenances de la pudeur. Je vois bien qu’au fond de tout cela il y a chez vous plus d’innocence qu’on ne croirait ; mais, si je me fiais trop à vos bonnes intentions et aux miennes, je pourrais oublier la réserve qui m’est imposée, et ce serait votre faute. Apprenez à vous garder des dangers dont vous semblez vous jouer. Combattez même contre moi, si je perdais la tête, car je me mépriserais et vous quitterais sans retour.

» Tout cela était bien sévère. Je voulus n’y voir que l’intention de m’élever à lui, je m’efforçai d’aller au-devant de son désir. Je mis comme un abat-jour sur mes yeux, comme une cuirasse sur mon cœur. Je devins craintive et réservée comme il me voulait, et je pris tout à fait l’attitude d’une fille soumise et calme.

» Je vis que mon ignorance le faisait sourire et même rire quelquefois. J’essayai encore de m’instruire, d’apprendre l’anglais, l’histoire, la géographie. Nous habitions un grand, beau et vieux palais, où j’avais, comme partout, mon appartement séparé et même éloigné du sien. Il sortait beaucoup et ne me faisait sortir qu’avec lui, son médecin ou la femme de chambre qu’il m’avait donnée. C’est la femme qui est encore