Aller au contenu

Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/361

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

gesse d’une personne qui s’est longtemps contentée des roquets et des perroquets de son harem. Je lui ai retranché cette ressource contre le vague de l’âme ; mais je lui ai laissé sa terrible Dolorès, que je ne crains pas, ayant, je m’en flatte, beaucoup plus de clairvoyance et d’esprit qu’elle. Tout ce que je te dis là est pour nous seuls ; je te le dis pour que tu ne te croies pas obligé de plaindre ma folie. De mon côté, je suis loin de douter de ton bonheur. Il te fallait le haut de l’empyrée, comme il me faut, à moi, la satisfaction de plain-pied. Je ne nie pas le bonheur dans des conditions élevées, et un moment j’y ai aspiré moi-même ; mais je suis arrivé à une saine et philosophique appréciation de ce que l’on appelle le bonheur dans nos langues incomplètes et privées de nuances. Ce mot Bonheur désigne un absolu qui n’existe pas. Satisfaction te paraîtrait et me paraît aussi trop brutal pour le remplacer, j’admets les joies de l’esprit. Je dis donc que le bonheur, chose essentiellement relative, a cela d’excellent qu’il se prête à tous les genres d’aspirations. Autrement il serait le partage de trop peu d’élus. Sur ce, que Dieu te conserve en santé, et sache bien que je suis comme auparavant ton fidèle Médard Vianne.

» Post-Scriptum. — Ma femme me demande s’il est convenable de t’envoyer ses compliments. Je l’autorise