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Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/161

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— Je garde, lui répondis-je, la ferme espérance de vous amener à moi, si vous me dites que vous ne la répudiez pas, malgré ce que vous regardez peut-être comme une obstination de mon orgueil.

— Je vous crois l’esclave d’une logique terrible que je voudrais faire fléchir par des raisons de sentiment ! Je sais que vous n’êtes pas orgueilleux, puisque je vous estime quand même, puisque je vous retiens, puisque voilà mon bras enlacé au vôtre, puisque je vous dis : Gagnons du temps, connaissons-nous bien, et réunissons tous nos efforts pour parvenir à nous entendre !

— Lucie, vous êtes adorable, et je vous adore. Laissez-moi donc vous demander aujourd’hui à votre père et m’engager vis-à-vis de vous sans exiger que vous vous engagiez vis-à-vis de moi.

— Est-ce que cela est possible ?

— Oui, cela est possible de moi à vous, parce que votre loyauté est sacrée à mes yeux. Si vous sentez, après quelque temps d’épreuve, que vous ne pouvez me faire aucune concession, vous me rendrez ma parole, et tout sera dit. Je ne vous demande pas la vôtre ; je n’en ai pas besoin pour savoir que vous ferez votre possible pour franchir l’intervalle qui nous sépare.

— Eh bien, s’écria Lucie avec une sainte effusion, j’accepte ce marché-là ! Vous êtes un grand cœur, Émile, et je me laisse vaincre en générosité, afin d’avoir à vous admirer et à vous estimer toujours davantage. Il faut bien que cela s’arrange ainsi, car mon père romprait tout, et quel affreux malheur pour nous de nous séparer sans avoir cherché de toutes nos forces à unir nos âmes, qui se cherchent avec tant de force et de sincérité ! Allons, Émile, embrassez le grand-père, et dites-lui de prier pour nous.

— Moi, prier ! s’écria, en me serrant dans ses bras,