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Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/244

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son père sachent bien que la rupture aurait lieu contre mon gré. Je ne me suis pas promise contre le gré de mon père. J’avais demandé au moins trois mois de réflexion et de relations qui nous permissent de nous connaître, Émile et moi : si on nous les refuse, ce ne sera pas ma faute, et il faudra bien se soumettre ; mais je déclare devant vous, à mon père, que ceci me dégoûte du mariage, et que, ne voulant pas recommencer de si délicates épreuves sans résultats, ni me marier avec un inconnu, je fais vœu de ne me marier jamais !

— Assez ! cria le général de toute la force de ses poumons, je cède… jusqu’à nouvel ordre ! Vous voulez de l’excentrique ? Faites-en. Vous ne vous souciez pas de vous compromettre en recevant les visites d’un jeune homme que je ne vous permettrais jamais d’épouser, s’il s’obstine dans l’irréligion ? Soit ! courez-en les risques ; ils sont assez graves ; car, lorsque vous aurez été compromise par lui, j’aurai la peine de le tuer, moi ! Allez-y !… bravez tout !… je m’en lave les mains ! »

Il quitta la terrasse au moment où Émile y rentrait. En passant, il lui demanda brusquement des nouvelles de M. de Turdy, et, sans écouter la réponse, il cria dans la cour pour qu’on lui préparât la barque.

« Où vas-tu, mon père ? » lui dit Lucie en courant après lui.

Ils se parlèrent pendant quelque temps dans l’escalier de la tourelle, ce qui me permit de mettre rapidement Émile au courant de ce qui venait de se passer.

« Comment va mon grand-père ? dit Lucie en revenant seule.

— Beaucoup mieux, dit Émile en lui baisant les mains. Il s’est endormi. Misie est près de lui. Mais où va donc le général ?