Aller au contenu

Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/97

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

une leçon de convenances. Il est évident que Flavien ne peut se permettre d’offrir un présent à aucune des demoiselles Dutertre en particulier. — J’ai dit une sottise, pensa-t-il, mais je l’ai fait exprès. J’ai éveillé un sentiment de jalousie. Reste à savoir s’il est collectif ou particulier.

— Mais, reprit-il tout haut, l’hommage pourrait, sans inconvenance aucune, s’adresser à madame Dutertre exclusivement.

— Oui, dit Amédée toujours calme, mais dédaigneux, c’est un pot-de-vin offert par M. de Saulges à la femme de son acquéreur.

— Oh ! que vous êtes positif ! s’écria Thierray ; appeler une attention exquise du nom brutal et malsonnant de pot-de-vin ! Il me semble que je vois du vin bleu dans un pot de faïence égueulé s’approcher des lèvres pures de madame Dutertre !

Thierray remarqua que la figure d’Amédée ne faisait pas un pli. Mais il crut voir qu’à la pensée des lèvres d’Olympe, les siennes devenaient pâles comme l’était habituellement le reste de son visage. Cependant sa voix ne trahit aucune émotion en disant :

— Si nous causons toujours, nous ne ferons pas le bouquet. Tenez, voilà mon sécateur, commencez.

— Si j’étais sûr, reprit impitoyablement Thierray, que le clavecin et le bouquet fussent spécialement offerts à madame Dutertre, je vous demanderais quelles sont les fleurs qu’elle préfère.

— Et je vous répondrais que je n’en sais rien, dit Amédée. Je crois que ma tante aime toutes les fleurs.

Ce mot ma tante fut prononcé d’un ton de domesticité si chaste et si respectueux, que les soupçons de Thierray furent écartés.

— On n’aime pas sa tante, pensa-t-il, même quand elle