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Page:Sand - Narcisse, 1884.djvu/141

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conditions humiliantes où il se trouvait vis-à-vis de vous ? À coup sûr, mademoiselle d’Estorade ne peut vous en empêcher ; mais, si, par hasard, elle sait quel chemin il a pris pour vous fuir, je l’engage fort à ne pas perdre le fruit de sa bonne action en vous mettant sur sa trace. Tenez-vous donc tranquille, au moins vis-à-vis d’une personne que probablement vous n’êtes pas capable de comprendre, mais que ses amis sauront bien faire respecter comme elle le mérite. Vos soupçons ne peuvent la noircir, vos injures ne peuvent l’atteindre. Vous avez vu et vous voyez qu’ils ont glissé sur elle comme sur un marbre. Retirez-vous, on n’a plus rien à vous dire.

Mon speech eut un succès auquel j’étais bien loin de m’attendre. Je ne parle pas de Narcisse, qui était tout près de m’embrasser séance tenante, ni de mademoiselle d’Estorade, dont les beaux yeux clairs me remerciaient, mais de Julia, qui resta comme frappée de la foudre, et qui, tout à coup, par une de ces réactions propres aux caractères emportés, se jeta aux genoux de mademoiselle d’Estorade en sanglotant et en se tordant les mains.

Si elle eût calculé sa sortie pour une scène de drame, elle n’en eût pas trouvé de meilleure que ce qu’elle fit, d’instinct, avec des poses brisées d’un mouvement très-pathétique. Après s’être agenouillée devant la châtelaine, sans pouvoir lui dire un mot, elle alla tomber, suffoquée, auprès de la porte, et nous dûmes la ramener auprès de