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Page:Sand - Souvenirs de 1848.djvu/127

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et plus tard vous serez frères. Qu’en ce jour consacré au Seigneur, comme disait l’ancienne loi, la pensée de l’impossible disparaisse. C’est un jour d’oubli, c’est un jour d’ivresse, c’est un jour où nos âmes sont déjà dans le ciel, car le ciel, ô hommes infortunés de ce siècle, c’est l’égalité réalisée sur la terre. »

Quelles seront les formes du culte ? Elles seront éternellement libres, éternellement modifiables, éternellement progressives comme le génie de l’humanité. Elles s’appelleront fêtes publiques, et déjà Paris et la France en ont improvisé les ébauches. Le culte sera plus ou moins beau, plus ou moins salutaire, selon que l’humanité sera plus ou moins inspirée par les événements et par les idées. Si nous retournons à la monarchie, nous retomberons en plein catholicisme ; si nous marchons vers une vraie république, nous aurons un culte véritable, des artistes inspirés, des symboles magnifiques qui ne voileront plus les pensées, des merveilles d’invention et des chefs-d’œuvre d’art. Mais l’inspiration ne viendra aux ordonnateurs de fêtes qu’autant que l’inspiration viendra aux masses. À l’heure où nous sommes, il nous faut des fêtes simples et dont le luxe ne soit pas une insulte à la misère du peuple. Dans l’avenir, les productions du génie reviendront de droit à la grande Église républicaine, comme elles revenaient de fait autrefois à la riche église catholique. Mais, dans tous les temps, la beauté des fêtes résidera dans le sentiment public : et, pour nous servir d’une vieille fadeur provinciale, qui deviendra ici une vérité, le