Page:Sand - Souvenirs de 1848.djvu/128

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peuple sera, par son concours enthousiaste, le plus bel ornement de ses propres fêtes.

Mais l’archevêque de Paris a, dit-on, défendu à ses curés de comparaître à notre prochaine fête républicaine. Le prêtre veut garder au fond du sanctuaire, dont il a les clefs, l’image vénérée de Jésus, l’ami et le prophète du peuple. Les images païennes de la Liberté, de l’Égalité et de la Fraternité souilleraient de leur contact l’image du philosophe qui a sanctifié et prêché cette triple idée, mère de sa doctrine. Ô Jésus, devez-vous donc supporter le martyre jusqu’à la fin des siècles ? serez-vous toujours la proie des pharisiens, et votre effigie glorieuse n’échappera-t-elle jamais aux outrages que votre âme et votre corps ont subis ?

Mais quoi ! l’image du Christ est-elle la propriété de l’Église ? Les prêtres ont-ils le monopole de la tenir dans leurs mains enchaînées ? Le Christ d’ivoire des Tuileries fut-il souillé lorsque des mains noires de poudre le portèrent triomphalement en tête des héros en guenilles du 24 février ?

Il n’y a pourtant pas longtemps, prêtres, que vous avez béni nos morts, et déjà vous voulez ostensiblement vous séparer des vivants !

Vous ne le ferez pas, vous êtes trop politiques pour cela : c’est une velléité de despotisme qui vous est revenue. Mais venez ou ne venez pas aux fêtes de l’humanité, l’humanité vivra, et Jésus restera avec elle.

12 mai 1848.