Page:Sand - Souvenirs de 1848.djvu/432

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vail d’aversion contre la médiocrité, de se tromper systématiquement et d’écraser de beaux papillons que l’on prend pour de vulgaires chenilles.

Ceci posé, prenons et louons de bon cœur, car ce tort est l’excès d’une qualité précieuse. M. Mario Proth aime le grand et le fort dans toutes leurs manifestations naturelles ou artistiques. La nature particulière de son talent est la vigueur. Il a le style alerte, coloré, brillant, tout rempli d’érudition universelle, sans être chargé de fatigant archaïsme. Le tour est vif, l’expression heureuse, le trait incisif, cruel même ; mais, quand c’est réellement le méchant et le mauvais qu’il vise dans l’histoire et dans l’art, cette cruauté indignée est une équité et une puissance.

Bien peu de nous ont lu à fond et bien compris l’Astrée. M. Mario Proth, soit hasard, soit vouloir, a découvert et véritablement prouvé que ce fameux livre, oublié et démodé, valait la peine qu’on ne se donne plus de l’étudier et de l’interpréter.

Nous-même, qui, par un hasard particulier, l’avions étudié quelque peu, nous voyons bien à présent, qu’il a plus de mérite et de valeur que nous ne pensions ; nous avions été charmé de la partie descriptive et des vers ; nous avions passé légèrement sur la pensée toute gauloise et sur l’érudition extraordinaire pour le temps où il fut écrit. Le travail consciencieux et amusant (notez ces deux points-ci) de M. Mario Proth restitue au sire d’Urfé la part de gloire qui lui appartient, et nous fait comprendre pourquoi et comment ce créateur du roman français moderne fut si apprécié