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Page:Sand - Tamaris.djvu/175

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time, quand je me rappelai que, de Tamaris, madame d’Elmeval regardait tous les soirs au coucher du soleil la cime où je me trouvais. Je l’avais regardée avec elle une fois justement à l’heure où le pic recevait le reflet rose vif du couchant. Nous l’avions vu devenir couleur d’ambre, puis d’un lilas pur, et enfin d’un gris de perle satiné à mesure que le soleil descendait derrière nous dans la mer. La colline Caire, avec son bois de pins et de liéges noirâtres, servait de repoussoir à cette illumination chatoyante.

L’idée me vint naturellement qu’à ce moment même la marquise consultait le temps pour sa promenade du lendemain, en regardant si le sommet du Coudon était clair, et, comme j’étais dans des flots de lumière pure, si par hasard elle se servait de la longue-vue, elle pouvait distinguer un imperceptible point noir sur les masses blanches de la cime. Je me trompais, la distance est trop grande, et, malgré d’excellents yeux, je ne discernais pas même la microscopique colline de Tamaris au bord de la mer. Il est vrai qu’elle était noyée dans l’ombre du cap Sicier. Je me servis de la lunette portative que je m’étais procurée, et je crus reconnaître la bastide comme un point pâle dans la verdure des pins ; cela était flottant comme un rêve, et toute ma tristesse revint. Je me répétais ce sot et amer proverbe : « Loin des yeux, loin du cœur ! » Cela pouvait être vrai pour elle ; pour moi, cet éloignement,