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Page:Sand - Tamaris.djvu/176

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cette impossibilité de communiquer avec elle à travers l’espace irritaient ma douleur.

Comme la nuit approchait et que la lune était déjà levée, je résolus d’attendre qu’elle fût assez haut sur l’horizon pour m’éclairer un peu. L’air devenait très-froid. Je descendis de la dernière cime et me mis à l’abri du vent au bord du précipice, dont la brisure est admirable. Au bout d’un quart d’heure, je me levais pour partir, lorsque je me vis reflété par une lueur étrange et tout à fait mystérieuse. Je remontai à la cime et vis mon vieux sorcier livré à une conjuration capitale. Il avait allumé un feu d’herbes sèches sur l’extrême pointe du rocher, et, à mesure que la cendre se formait, il en ramassait le plus fin dans un sachet de toile. Il avait coupé du thym, du romarin et de la santoline, dont il avait fait trois paquets séparés. Il prenait dans chaque paquet pour obtenir la cendre des trois plantes brûlées ensemble. Après cette opération, accompagnée de gestes et de paroles que j’observais avec curiosité, il fit trois bottes des mêmes plantes fraîches qu’il lia de cordons noirs, jaunes et rouges ; il chargea le tout sur ses épaules et s’éloigna rapidement sans paraître m’avoir vu, bien que je fusse très-près de lui.

Cet homme avait une tête caractérisée. En se livrant à son acte cabalistique, il avait ôté le haillon qui lui servait de bonnet. Quelques mèches de cheveux encore noirs voltigeaient sur son crâne dégarni.