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Page:Sand - Tamaris.djvu/177

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très-élevé et très-éttroit. Sa figure pâle, maculée d’un noir de charbon indélébile, était assez régulière et assez distinguée. Ses yeux saillants et brillants avaient une expression de terreur, comme s’il eût craint sérieusement de voir apparaître, les esprits évoqués, ou comme s’il eût cru les voir en effet. Il n’était vêtu que d’une chemise et d’un pantalon de toile dont le ton sale et blafard lui donnait à lui-même quelque chose d’un spectre enfumé. Il fit le signe de la croix sur le feu avant de le quitter, jugeant peut-être que cela suffisait pour l’éteindre. Je ne crus pas devoir négliger d’étouffer sous mes pieds un reste de braise qui eût pu porter l’incendie dans la forêt. Je franchis sans difficulté les clairières situées entre les créneaux de la montagne. Le passage de ces mêmes créneaux était plus pénible, toute trace de sentier disparaissait sur le roc nu et sur les pentes de pierres brisées où rien n’arrêtait le pied : mais cette solitude tour à tour aride et boisée, ces gazons où les veines de sable entraîné par les pluies dessinaient de folles allées sans but, ces massifs d’arbrisseaux à feuilles luisantes qui scintillaient dans l’ombre, ces grandes cimes de pierres blanchies par l’air salin et que la lune blanchissait encore, pouvaient faire l’illusion d’un jardin de fées planté dans un lieu inaccessible et illuminé par des pics de neige.

Le froid devenait très-vif ; je pris le pas gymnasti-