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Page:Sand - Tamaris.djvu/203

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méditation. Pourtant j’exprimai au baron mon étonnement sur un point capital. La Florade était sans fortune, presque sans nom ; bon et brave officier sans doute, mais trop jeune encore pour avoir une grande consistance assurée dans l’avenir. D’où vient que le baron n’avait pas été frappé tout d’abord de la disproportion des convenances ?

— Pour ce qui est de cela, répondit-il, je connais la marquise, et je sais qu’elle ne s’y arrêterait pas un instant, si elle rencontrait un homme de mérite qui l’aimât véritablement. Je sais bien qu’elle devra y prendre garde, sa position peut tenter un ambitieux ; mais, si Dieu me prête vie, et qu’elle ne s’éloigne pas de moi malgré moi, j’y veillerai cette fois !… Quant à elle, je trouve qu’elle a bien le droit de ne pas demander autre chose à un homme d’honneur qu’un dévouement absolu et durable, et elle fera bien de ne pas le prendre plus âgé qu’elle. Elle a bien été assez garde-malade. Il est temps qu’elle trouve un cœur jeune pour l’adorer et un bras solide pour la soutenir.

— Mais le monde ?

— Le monde est partout pour les bons esprits. On se trouve tout aussi bien entouré par ce qu’on appelle les petites gens que par les grands, quand ces petites gens ont de l’âme et du jugement. Or, dans le cours de ma vie de soixante et douze ans, j’ai pu m’assurer d’un fait, c’est qu’il n’y a pas de classe privilégiée