Aller au contenu

Page:Sand - Tamaris.djvu/38

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ambition personnelle, sans autre rêve de grandeur que le salut de la patrie ? La plus belle page, la plus belle heure de sa vie peut-être ! Mais il est trop beau quand on le voit là, et la foule aime mieux le voir drapé et couronné sur les monuments grecs et romains de l’Empire !

Tout en causant avec le jeune lieutenant, je commis une grande faute que je me reprocherai toute ma vie. Je ne me bornai pas à lui parler du bon accueil que m’avait fait son parrain, je me laissai entraîner à lui parler avec enthousiasme de la voisine établie depuis peu au petit manoir de Tamaris. Je vis aussitôt ses yeux briller et ses paupières rougir jusqu’aux sourcils.

— Ah ! ah ! lui dis-je, vous la connaissiez avant moi ?

— Je vous jure que je n’en ai jamais entendu parler. Il y a deux ou trois mois que je n’ai été voir Pasquali, et vous m’apprenez que le gaillard a une belle voisine ; mais je vous réponds bien que, s’il en rêve la nuit, c’est sous la forme d’un poulpe caché entre deux roches. Voyons, voyons ! parlez-moi de cette beauté mystérieuse : une grande dame, vous dites ?

— J’ai dit l’air d’une grande dame ; mais elle s’appelle d’un nom plébéien.

— Ça m’est bien égal ! il n’y a pour moi de noblesse que celle du type. Une batelière est une reine, si elle a l’air d’une reine.