Page:Schlick - Gesammelte Aufsätze (1926 - 1936), 1938.djvu/198

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Cette conclusion ne serait pas justifiée. Au contraire, la proposition décrivant la verdeur peut communiquer à l’aveugle autant qu’à un voyant, à savoir qu’il s’agit d’une chose possédant une certaine structure ou appartenant à un certain système de relations internes. Le Contenu étant essentiellement incommunicable par le langage, il ne peut être transmis à un voyant ni plus ni mieux qu’à un aveugle. Vous direz que pourtant il y a une énorme différence entre les deux : l’homme voyant comprendra les propositions sur la couleur d’une manière dont l’aveugle est incapable de les comprendre, et vous ajouterez que la première manière est la seule bonne et que l’aveugle ne pourra jamais saisir le « vrai sens » de ces propositions.

Personne ne peut nier la différence entre les deux cas, mais examinons attentivement sa nature réelle. La différence n’est pas due à une impossibilité de communiquer à l’un quelque chose qui ne pourrait pas être communiqué à l’autre, mais elle est due au fait qu’une interprétation différente a lieu dans les deux cas. Ce que vous appelez la « compréhension du sens véritable » est un acte d’interprétation que l’on pourrait décrire comme le remplissage d’un cadre vide : la structure communiquée est remplie de contenu par l’individu qui comprend. Le matériel est fourni par l’individu lui-même, issu de sa propre expérience. La personne voyante remplit le matériel fourni par son expérience visuelle, c’est-à-dire le matériel qu’elle a acquis par l’utilisation de ses yeux, tandis que la personne aveugle remplira un autre « contenu », c’est-à-dire un matériel acquis par un autre organe sensoriel, comme l’oreille ou certains des organes sensoriels situés dans la peau.

(Ces différentes interprétations sont possibles parce que, comme nous l’avons souligné précédemment, presque n’importe quel matériau peut prendre n’importe quelle structure. Il est bien connu que les psychologues et les physiologistes tentent de représenter le système des couleurs par une image spatiale, par exemple un double cône dont chaque point est censé correspondre à une nuance de couleur particulière, et les relations de similitude entre les couleurs sont représentées par des relations de voisinage spatial entre les points. Il s’agit donc de construire un système de points dont les relations spatiales ont la même structure que les relations internes entre les couleurs. Nous savons qu’un aveugle connaît parfaitement la structure de l’« espace », qui est pour lui un certain ordre de sensations tactiles ou kinesthésiques. À l’aide de ce matériel, il est capable de construire