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Page:Schlick - Gesammelte Aufsätze (1926 - 1936), 1938.djvu/206

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11. Peut-on échapper au langage ?

Jusqu’à présent, nous avons discuté de la nature de l’expression principalement en ce qui concerne notre langage ordinaire de mots, du moins nous avons pris à partir de lui la plupart de nos illustrations. Néanmoins, nos arguments ont été d’une nature si générale qu’ils s’appliquent à tout type de langage, ils incluent toutes les formes d’expression possibles. Je pense qu’on l’admettra volontiers et qu’il n’y aurait pas lieu de s’y attarder si nous ne devions pas nous prémunir contre certains malentendus qui pourraient résulter d’une méconnaissance de la véritable fonction de l’expression.

On pourrait être tenté de dire : Quel est, après tout, le but ultime du langage et de l’expression ? N’est-ce pas de faire connaître à l’auditeur ou au lecteur le fait qu’on veut lui communiquer ? Et le langage n’est-il pas un moyen indirect et détourné d’y parvenir ? Ne pourrait-on pas y parvenir d’une manière plus directe en évitant le langage et en mettant l’auditeur ou le spectateur en contact immédiat avec le fait ?

On pourrait donc penser (et nous verrons dans notre deuxième conférence que la plupart des philosophes l’ont pensé) que l’expression n’était qu’un moyen d’atteindre une fin qui pouvait également être atteinte d’une autre manière. Si, par exemple, au lieu de décrire notre feuille verte et d’en parler abondamment, nous produisons la feuille elle-même : cet acte ne remplit-il pas la même fonction que toute expression, mais de manière beaucoup plus parfaite ? Ne fournit-il pas lui-même un contenu (par exemple le vert de la feuille) qui, comme nous avons dû l’admettre, ne peut être saisi par aucune expression ? Ainsi, tous nos arguments contre l’incommunicabilité du contenu pourraient avoir pour seul effet le désir d’éviter le langage et de le remplacer par de véritables actes de présentation qui auraient l’avantage de nous faire connaître le contenu aussi bien que la forme.

Vous remarquerez que l’acte de faire percevoir directement un certain objet ou de témoigner d’un certain fait n’est rien d’autre que ce que nous avons appelé tout à l’heure le « transport ». Et nous l’avons traité comme n’étant pas essentiellement différent du cas d’une description verbale. Il est important de voir que nous avons eu raison de le faire. Il ne fait aucun doute qu’à de nombreuses fins, cette procédure de présentation de l’objet lui-même est de loin la meilleure méthode de communication, mais nous devons insister sur le fait que, de notre point de vue, il s’agit également d’une sorte de langage, ou d’une partie d’un langage. Soit elle possède toutes les propriétés de l’expression (ses avantages et ses défauts), soit elle n’est pas du tout une communication.