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Page:Senancourt Obermann 1863.djvu/102

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D’où vient à l’homme la plus durable des jouissances de son cœur, cette volupté de la mélancolie, ce charme plein de secrets, qui le fait vivre de ses douleurs et s’aimer encore dans le sentiment de sa ruine ? Je m’attache à la saison heureuse qui bientôt ne sera plus : un intérêt tardif, un plaisir qui parait contradictoire, m’amène à elle lorsqu’elle va finir. Une même loi morale me rend pénible l’idée de la destruction, et m’en fait aimer ici le sentiment dans ce qui doit cesser avant moi. Il est naturel que nous jouissions mieux de l’existence périssable, lorsque, avertis de toute sa fragilité, nous la sentons néanmoins durer en nous. Quand la mort nous sépare des choses, elles subsistent sans nous. Mais, à la chute des feuilles, la végétation s’arrête, elle meurt ; nous, nous restons pour des générations nouvelles : l’automne est délicieux parce que le printemps doit venir encore pour nous.

Le printemps est plus beau dans la nature ; mais l’homme a tellement fait, que l’automne est plus doux. La verdure qui naît, l’oiseau qui chante, la fleur qui s’ouvre ; et ce feu qui revient affermir la vie, ces ombrages qui protègent d’obscurs asiles ; et ces herbes fécondes, ces fruits sans culture, ces nuits faciles qui permettent l’indépendance ! Saison du bonheur ! je vous redoute trop dans mon ardente inquiétude. Je trouve plus de repos vers le soir de l’année : la saison où tout paraît finir est la seule où je dorme en paix sur la terre de l’homme.

LETTRE XXV.

Fontainebleau, 6 novembre, II.

Je quitte mes bois. J’avais eu quelque intention d’y rester pendant l’hiver ; mais, si je veux me délivrer enfin des affaires qui m’ont rapproché de Paris, je ne puis les