Aller au contenu

Page:Stahl - Maroussia, 1878.djvu/110

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
90
MAROUSSIA

« Oui, j’ai une fillette, répondit-il enfin.

— Est-elle grande, votre fillette ? » demanda Maroussia.

Il sourit, et on sentait que dans ce sourire attristé passait et repassait l’image chérie d’une toute petite et frêle créature.

« Elle est aussi grande que toi, oui, en vérité, presque aussi grande, » répondit-il.

Alors il baissa la tête, et Maroussia n’osa plus lui faire de questions. Elle le laissait avec sa fille.

On marchait toujours. L’air était tiède, frais et parfumé. Une bande rose apparut à l’horizon. Un petit oiseau, très-matinal, laissa entendre un petit cri, son bonjour à l’aurore.

En même temps, à l’arrière de la voiture, une voix sonore s’éleva :

« Rappelle-toi ! rappelle-toi, ma bien-aimée, notre affection d’autrefois ! »

C’était un jeune soldat qui chantait. Sa voix et sa chanson étaient également harmonieuses et douces ; Maroussia en était toute pénétrée. Mais quel fut son étonnement quand le soldat qui venait de causer avec elle se mit à chanter, lui aussi. Sa voix était grave, à celui-là, un peu sourde, un peu basse, mais elle remuait quelque chose de profond dans le cœur. Un grand silence s’était fait pendant le premier couplet, mais au second tous les soldats se mirent à chanter avec lui. C’était saisissant ! Ce qui étonna le