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Page:Stahl - Maroussia, 1878.djvu/111

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UNE RENCONTRE.

plus, ce qui ravit Maroussia, en dépit des angoisses de sa petite âme, — peut-être par sa mélancolie même le chant répondait-il à ces angoisses, — c’est que, bien que les voix qui s’étaient unies à celle de son voisin eussent acquis une intensité qui lui rappelait les grondements du tonnerre, la voix du soldat qui avait une petite fille n’était jamais couverte par celles des autres chanteurs. Entre toutes, elle entendait et distinguait cette voix à l’accent sincère. Quand la chanson fut finie, Maroussia remarqua que le chanteur avait l’air bien triste.

Non loin du chemin elle apercevait un petit lac aux eaux paisibles, aux rivages verdoyants, encore couverts en partie par la vapeur matinale ; on eût dit un léger voile de gaze se dissipant peu à peu. À droite serpentait un étroit sentier encore dans l’ombre, celui qui conduisait par le plus court les piétons à la maison de Knich. Enfin, une blanche colonne de fumée indiquait l’emplacement même de la maison de l’ami de son père.

Devant la lumière qui allait chasser les dernières ténèbres, Maroussia s’inquiéta. Les gais rayons du matin, si bien venus toujours, étaient pour elle, ce jour-là, des ennemis qui pouvaient la trahir ! Dans sa crainte, elle avait oublié son chanteur favori. Ses yeux le cherchèrent sans le trouver, et elle en fut chagrinée.

Involontairement elle en était venue à compter sur