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Page:Stahl - Maroussia, 1878.djvu/149

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LE RÉVEIL D’IVAN.

« Les mouches ne vous ont point trop piqué, je l’espère. J’avais tout fermé pour qu’elles vous laissassent plus tranquille.

— Que le feu du ciel les rôtisse, tes mouches ! je m’en moque pas mal de tes mouches ! répondit maître Ivan ; elles auraient mieux fait de me réveiller plus tôt, entends-tu ? »

Après avoir trop bu, trop mangé et trop dormi, M. le militaire ne se sentait pas très à son aise.

« Je suis de votre avis, maître Ivan, je suis tout à fait de votre avis, » répondit le vieux Knich.

Et comme maître Ivan, devenu très-pensif, tirait d’un air irrité ses longues moustaches, le vieux crut devoir réfléchir un peu de son côté. Il laissa écouler une minute, puis :

« Pourtant, maître Ivan, je vous avoue qu’une fois endormi on n’aime pas à être réveillé par des mouches. Je vous l’avoue franchement. Quand on pense qu’un honnête homme, qu’un soldat même, un homme intrépide par métier, ne peut pas plus qu’un autre se défendre de cette misère…

— Quelle misère ? demanda maître Ivan, comme s’il se réveillait de nouveau.

— Mais des mouches, maître Ivan. Quand on pense que ces insectes insupportables tombent indifféremment sur un général, sur un paysan ou sur une tartine de miel… on se demande à quoi sert la différence des professions et des mérites. »