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MAROUSSIA

musicien n’était plus qu’un pauvre homme cassé par l’âge et la misère.

Maroussia, Maroussia au cœur radieux, n’était bien qu’une malheureuse petite mendiante, et le vieux Knich, le lent et lourd paysan dont le soldat Ivan avait mis à contribution l’inépuisable complaisance.

Ils marchent, marchent longtemps sans parler, comme il arrive à des gens qui n’ont plus rien à se dire.

Un détachement russe avait passé auprès d’eux, sans plus les remarquer que la poussière de la route.

Ils avaient fait une halte. Le vieux musicien était assis sur l’herbe et promenait lentement ses doigts sur les cordes de son théorbe, qu’il avait repris à Maroussia. Il chantonnait à mi-voix un hymne au refrain monotone, une sorte de prière du soir. Sa petite compagne, endormie sans doute par son chant, était couchée à ses pieds. Quant au vieux fermier Knich, il écoutait en rêvassant la tête penchée. En vérité, cela ne méritait pas le regard de tous ces beaux soldats. La halte de ces trois pauvres gens se prolongea jusqu’à ce que le dernier cavalier du détachement eût disparu dans le lointain.

Alors chacun d’eux se leva. Les mains une dernière fois s’unirent, une dernière fois les yeux s’allumèrent, et d’un élan commun, pour dernier adieu, chacun échangea ces quatre mots : « Tout pour la patrie ! »