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PAROLES ET MUSIQUE.

— C’est convenu, n’est-ce pas ? » disait un troisième.

Mais le théorbe du vieux se fit entendre de nouveau et avec un accent nouveau. On oublia la petite et on se remit à écouter.

Voici ce que cette fois disait en résumé la chanson du vieux chanteur : « Oiseau libre des steppes, ne fais point de nid près du fleuve de Desna, car ce fleuve grossit tous les jours et ses eaux implacables vont engloutir tes petits ! » En écoutant le récit de la mort de ces pauvres oiseaux et les plaintes déchirantes du père et de la mère, impuissants à les défendre de l’invasion des eaux, quelques graves visages de bronze se mirent à sangloter.

La veille, ils avaient tout saccagé, tout massacré sans sourciller. Ils avaient été l’invasion et ne s’en doutaient pas.

Un jeune officier, joli comme une peinture, content de sa personne, alerte, aux manières décidées, était dès le premier morceau sorti de sa tente.

Peu à peu sa figure s’était adoucie, son petit air avait disparu ; il avait laissé éteindre sa pipe et était devenu tout pensif. La chanson du vieillard lui avait rappelé qu’il avait pourtant été créé à l’image de Dieu avant de s’être fait à l’image de son général. Il allait l’oublier.

Après ce second chant, on en demanda un autre ; le vieux musicien se fit un peu prier.