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Page:Stahl - Maroussia, 1878.djvu/182

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MAROUSSIA

mourants, ces morts de demain, n’auraient pas eu la force de protester !

Plus d’un œil farouche se mouilla. Le succès du vieillard était grand, si grand que, quand il eut cessé de chanter, bien des mains avaient déjà tiré de leur poche quelque menue monnaie pour la lui offrir.

« Approche donc, petite sorcière ! » cria un gros officier.

Et montrant à Maroussia un kopeck :

« C’est pour ton père, viens donc à la recette. »

La petite ne bougeait pas ; elle était tout entière dans le rêve évoqué par le chant de son ami ; que c’était bon ce qu’il avait chanté et, qui l’eût cru ? comme il chantait bien !

« Viendras-tu, petite sauvage ? lui criait un autre. Arriveras-tu, petite cane ? »

Quelques-uns commençaient à se fâcher.

« Il faut remercier ces braves messieurs, ma fille, dit le vieux ; va et tends-leur la main. »

Maroussia tressaillit ; mais il avait ordonné, elle obéit. Comme sa petite main tremblait en recevant ces offrandes ! Cet argent de l’ennemi lui brûlait les doigts.

« Cette petite n’est pas laide, dit l’un.

— Elle a une paire d’yeux que l’on prendrait pour une paire d’étoiles, disait l’autre.

— Quand tu seras grande, ma mignonne, je viendrai pour t’épouser.