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Page:Stahl - Maroussia, 1878.djvu/181

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PAROLES ET MUSIQUE.

fronte si gratuitement un danger, c’est qu’on n’a rien à en redouter. Après avoir respectueusement salué un groupe d’officiers qui, assis ou à demi couchés, devisaient de leurs faits de guerre, il leur demanda naïvement s’il ne leur plairait pas qu’il leur fît un peu de musique et même qu’il leur chantât quelque chose.

Toute distraction a son prix à certaines heures de la vie. Son offre fut acceptée avec bonté.

On jugea aux premiers accords qu’il savait son métier et on l’écouta avec plaisir. La musique a le don d’arracher la pensée aux soucis du jour et de l’emporter loin des réalités.

Bientôt les conversations cessèrent, les regards perdus dans le vide attestaient que chacun, remontant le courant du passé, évoquait quelque cher souvenir : le père ou la mère, l’enfant ou la femme dont la guerre l’avait séparé. Quelques soldats, la tête entourée de bandages ensanglantés, se soulevaient sur leurs coudes pour mieux entendre. Le musicien chantait la famille, l’enfance et la jeunesse. Tout cela était si loin ! On savait gré à sa chanson de faire apparaître au milieu de ces abris d’un jour la maison où l’on était né, la pierre solide du foyer, de rappeler à chacun que la guerre n’est pas toute la vie.

Les morts de la veille n’étaient déjà plus là pour dire : « Si ! la guerre prend toute la vie ; » et les