Aller au contenu

Page:Stahl - Maroussia, 1878.djvu/263

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
221
NE JOUEZ PAS AVEC LES POIGNARDS.

musicien ne se sépare pas plus de son théorbe, quand il l’aime, que le cavalier de son cheval. Pour être pauvre, il n’est pas défendu d’avoir le goût des jolies choses. Ma défroque ne vaut pas cher, seigneur, mais on m’a offert de ce théorbe, plus d’une fois, de quoi me vêtir d’habits magnifiques comme les vôtres, et j’ai refusé.

— Il s’entend, se dit le seigneur russe, à faire valoir sa marchandise ; c’est pour la vendre plus cher qu’il fait semblant d’en connaître le prix. »

Le mendiant s’était rapproché.

« Puisque vous êtes connaisseur, dit-il, regardez tout à votre aise cet instrument, seigneur. Certes, il serait plus à sa place dans les belles mains de ces riches dames qu’entre les miennes ; c’est pourtant dans les miennes qu’il restera.

— Je te vois venir, pensait le seigneur russe ; tu es un rusé brocanteur, tu espères me forcer la main, et tu crois que je vais, séance tenante, t’offrir une grosse somme pour pouvoir déposer ton théorbe aux pieds de la belle Méphodiévna. À d’autres, vieux finaud ! — Ainsi, dit-il, c’est là ton trésor, ta fortune ?

— Ce théorbe, et ceci encore, monseigneur. »

Il tira de son sein un poignard en tout semblable à celui dans le manche duquel nous l’avions vu, chez l’autre ataman, renfermer son précieux message, semblable aussi à celui que Maroussia avait glissé un instant auparavant dans la poche de la belle-sœur de