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MAROUSSIA.

l’ataman, et qui sans doute, si c’était le même, n’y aurait donc fait qu’un court séjour.

« Par ma foi ! dit le seigneur, qui avait la passion des belles armes, voilà un objet véritablement précieux ; » et, tendant la main au vieillard, ses yeux brillants de convoitise lui disaient clairement : « Je veux examiner de près ce merveilleux poignard. »

Le malin vieillard, pour irriter sans doute la passion de son interlocuteur, tournait et retournait son arme, dégainait, et faisait rentrer sa fine lame dans le fourreau, mais sans la lui mettre dans la main.

« Ce poignard est mon ami, dit-il ; c’est ma défense, c’est mon armée à moi ; lui et moi, quand nous sommes ensemble, nous ne craignons rien ; de plus, il m’est sacré, je le tiens de mon père.

— Laissez-moi donc le toucher, dit le seigneur, je ne l’avalerai pas.

— Ce serait malsain, seigneur, même pour une jeune et robuste poitrine comme la vôtre. »

Et, cédant enfin à son envie, il le lui confia.

Le grand ataman, que cette petite scène avait distrait un instant, était retombé dans son apathie. Il en sortit comme par un sursaut. Une large goutte d’eau, de celles qui annoncent les averses diluviennes, était tombée sur sa main. Les grondements du tonnerre, sourds d’abord, s’étaient rapprochés ; l’orage accourait, faisant des enjambées de géant. Le ciel était devenu en un instant sombre comme la nuit même.