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Page:Stahl - Maroussia, 1878.djvu/306

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MAROUSSIA.

Le grand ami parlait avec lenteur, une lenteur qui ne lui était pas habituelle et qui n’avait pas l’air volontaire ; on eût dit qu’il ne pouvait pas parler plus vite. Il devenait de plus en plus pâle ; de grosses gouttes de sueur perlaient de son front. Il s’appuyait contre un arbre.

« Tu es blessé ! lui dit Maroussia. Ils t’ont blessé !

— C’est une égratignure, Maroussia ; demain, il n’y paraîtra pas. Va, ma chérie, va ! »

Il la prit par la main :

« Que ta main est froide ! s’écria l’enfant.

— Ne pense pas à ma main, mon cher cœur. Hâte-toi ! d’abord sur le pont, les deux couronnes, et puis à l’homme qui sortira du petit bois, le mouchoir, s’il te dit : « Que Dieu te soit en aide ! » Courage, Maroussia, c’est pour le salut de ce qui restait de vaillants défenseurs à l’Ukraine. »

Le grand ami essaya de frayer un passage à Maroussia, mais la force lui manqua. Cette faiblesse de celui qu’elle regardait comme la personnification de toute force glaça le cœur de la petite fille. Pour la première fois elle trembla pour l’ami qu’elle avait cru invulnérable. Mais elle ne lui fit pas de question. Elle comprit qu’il avait dit tout ce qu’il voulait dire.

Tout à coup deux bras musculeux écartèrent encore le feuillage. La petite fille, surprise, se jeta devant son grand ami qu’elle croyait menacé.