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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/116

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princesses de science

étaient toute sa fortune jusqu’à la fin du mois. Elle prit la plus grosse et s’achemina vers la rue Berthollet.

Dina Skaroff était la fille d’un petit mercier de Pétersbourg, dont le commerce avait sans cesse périclité. Elle avait deux jeunes frères, et trois grandes sœurs employées dans les beaux magasins de la capitale. Dina ne voulait pas végéter toute son existence. Élevée tant bien que mal dans une petite pension de faubourg, elle s’instruisit elle-même jusqu’à passer avec succès cet examen de fin d’études qui est, en Russie, le baccalauréat des jeunes filles. Puis elle partit un jour pour Paris, avec un vol de ces « oiseaux de passage », pour la plupart jeunes Israélites farouches que rejettent les universités, que la France recueille et instruit, et qu’une migration reporte à la neige natale, avec un titre de doctoresse qu’elles échangent contre un diplôme national pour exercer la médecine là-bas.

Son père, à demi ruiné, lui faisait une pension de quatre-vingts francs par mois, sur lesquels il lui fallait payer son restaurant, sa chambre, ses inscriptions et ses toilettes. Elle ne se jugeait pas mal partagée : elle connaissait des compatriotes qui, touchant cinq francs de moins par mois, se tiraient d’affaire. Bravement, elle avait pris son parti des feutres à vingt-neuf sous, achetés dans les bazars. Mais ses petits pieds maigres, à force de courses incessantes à l’École, à l’hôpital, au restaurant,