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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/117

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princesses de science

usaient en quelques semaines le mauvais cuir de ses bottines, et c’était de ces horribles chaussures qu’elle avait été parfois un peu honteuse, jusqu’à les dissimuler d’instinct sous ses robes qui ne valaient pas beaucoup plus cher. Et elle avait d’abord travaillé au delà de ses forces, amèrement, âprement, pour vaincre un jour cette misère et conquérir sa place à la vie, comme tout le monde. Après les premières années d’études et l’assimilation de la technique sèche, elle commençait de prendre à son métier un intérêt captivant et souverain. Ce goût nouveau la consolait comme si la science seule avait eu pitié jusqu’ici de cette jeune vie effroyablement austère. La médecine l’amusait, maintenant, comme elle disait. — Elle vivait de bœuf bouilli, portait des jupes de coton, exhibait crânement sa misère, mais sans ostentation d’ascétisme, et vraiment désintéressée de ces choses, en enfant très simple qui venait de découvrir dans son travail des joies profondes.

Ce jour-là, il était un peu plus de midi quand, arrivée rue Berthollet où régnait un absolu silence le long des hautes façades tristes, elle ouvrit la porte vitrée du petit restaurant russe, et franchit les deux marches en contre-bas.

Une bouffée de chaleur humaine lui vint de cette salle grouillante, taverne blanche et lumineuse où,