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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/122

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princesses de science

seulement, lorsqu’il la vit saisir la carafe et remplir son verre.

— Non, répondit-elle fièrement, je n’aime pas le vin.

Le contenu de son assiette s’achevait. Elle avait faim encore : son voisin de gauche, le beau garçon pâle aux habits de velours, était parti, laissant du pain sur la table ; elle prit ce reste, le dévora, tout en faisant de son macaroni de minuscules bouchées.

— Vous ne prenez pas autre chose ? demanda encore Pautel d’une voix qu’elle ne lui connaissait pas.

— Je n’ai plus faim, répondit-elle.

Son macaroni achevé, elle garda dans la main ce gros croûton qu’elle cachait et dont elle portait à ses lèvres de petits morceaux, furtivement, pour que Pautel ne vît point qu’elle mangeait son pain sec. Derrière la mousseline des rideaux, les ombres des passants glissaient plus fréquentes sur le trottoir. Tout à coup, nerveusement, Pautel ôta son lorgnon et se mit à l’essuyer du coin de sa serviette, puis, repoussant son assiette brutalement :

— C’est immangeable ! gronda-t-il, comment pouvez-vous…

Il s’arrêta. Autour d’eux, les jeunes filles, les étudiants aux longs cheveux, les conspirateurs aux libelles, les mystérieux rêveurs que la Sibérie hante, étaient allés avec de petites soucoupes acheter leur dessert, et ils savouraient maintenant — les plus