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princesses de science

riches avec du thé, les plus pauvres avec du pain — les pruneaux cuits ou les abricots tapés qui leur tenaient lieu de confitures. Lorsque les soucoupes pleines circulèrent, Dina les suivit des yeux involontairement.

— Vous n’aimez pas cela ? demanda sourdement Pautel.

— Non, je n’aime pas cela.

Et, les poings crispés, il observait son profil, sa jolie joue creusée sous la pommette, sa tempe délicate et anémiée que voilait à demi la touffe noire du bandeau. C’était avec cette nourriture qu’elle préparait — fournissant onze heures de travail quotidien — le concours d’internat ! Puis il examina sa jaquette sans doublure, sa pauvre robe de pilou, sous lesquelles son frêle corps devait rester transi, l’hiver, malgré sa marche allègre par les rues.

Dina, comme si elle avait senti un bien-être nouveau, s’attardait ici après le repas. Partir lui coûtait. Elle s’alanguissait, ne pensait à rien. Pautel ne l’inquiétait plus ; au contraire, ce muet voisinage lui était agréable. Et vaguement elle le revoyait, six mois auparavant, prenant fièrement sa défense, à la clinique, contre Herlinge lui-même… Une horloge, exactement semblable à celle de l’Hôtel-Dieu, sonna une heure : elle tressaillit ; que faisait-elle ici ? Et elle eut peur, non plus de Pautel, mais d’elle-même, de son propre cœur, du grand vide de sa vie, et du vertige qu’elle éprouvait soudain devant l’abîme de sa solitude.