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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/127

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princesses de science

toujours prête à devenir douloureuse, se mit à louer l’agrément de cette maison, en admira la disposition, la comparant à la sienne. Il parla de l’île Saint-Louis, si voisine, et que son air de noblesse surannée recule en plein xviiie siècle. Il voulait échapper à l’obsession de la morte, mais c’étaient d’inutiles efforts. Elle demeurait ici, elle s’y survivait. Les choses évoquaient la discrète et tendre femme qui les avait touchées de ses beaux doigts amaigris. Les yeux des jeunes gens erraient, sans le vouloir, du métier à broder au piano muet, du piano à ce portrait si émouvant où elle souriait, énigmatique. Mais c’était surtout dans le cœur du malheureux amant qu’elle était demeurée vivante. Il n’était occupé que d’elle. Il avait soif d’en parler.

— Oui, dit-il, on est bien ici ; ma pauvre amie aimait cet appartement, et je me suis souvenu de son goût en m’y fixant pour toujours. On a fait l’impossible là-bas, en Bretagne, pour m’y retenir ; mais je ne pourrais pas quitter la ville où elle a voulu dormir, où je retrouve les souvenirs des dernières semaines passées ensemble. Sa place fut longtemps ici, dans ce fauteuil qu’on traînait auprès de la fenêtre. Quand elle dut cesser de marcher, elle suivait encore avec joie, de son lit, les aspects changeants du jardin… Alors, vous comprenez ce qu’il est devenu pour moi, ce jardin…

Il était résigné, vaincu, parlait avec douceur, sans une larme. Sept mois de douleur avaient triomphé en lui des premières forces du désespoir.