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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/126

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princesses de science

On aurait dit qu’il la voyait penchée sur son aiguille, qu’il entendait le piano vibrer encore de ses mélodies, qu’il la retrouvait dans l’eau fidèle du miroir. Et, pendant ce temps, le portrait semblait le regarder de ses belles prunelles, passionnées et tendres. Elle y était peinte assise, souriante, toute jeune femme, avec une coiffure légèrement démodée.

Un après-midi de mars, on introduisit Fernand et Thérèse. Eux aussi entraient sans bruit, sur la pointe du pied, parlant bas comme dans une église. Le veuf, dans la pénombre, lisait d’anciennes lettres couvertes d’une écriture longue et penchée. La lumière vive des baies ensoleillées n’atteignait que de biais son visage osseux, ses cheveux en brosse devenus blancs. Il releva la tête, reconnut le jeune ménage :

— Mes enfants !

Thérèse s’était prise d’affection pour ce parent, si émouvant dans sa douleur, et qui gardait du roman fini comme un rayonnement glorieux. Ce prestigieux amour conjugal, qui l’avait tenu douze années aux genoux d’une femme, étonnait l’étudiante ; elle éprouvait une pitié infinie devant son chagrin. Elle lui offrit son front à baiser. Il demeurait étrange et lointain, comme à mi-chemin entre les vivants et la compagne disparue. Là-haut, entre les moulures d’or mat du cadre, celle-ci présidait, s’imposait silencieusement. Fernand, qui craignait d’entamer une conversation intime