Aller au contenu

Page:Yver - Princesses de Science.djvu/132

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
122
princesses de science

— Cher oncle, dit-elle affectueusement, il me faut vous quitter. Rappelez-vous que je suis encore étudiante : le travail m’appelle à la salle, là-bas. Voici déjà l’heure de la contre-visite. Je vais partir. Mais si Fernand vous restait ?… Tu serais heureux, n’est-ce pas, cher ami, de demeurer un peu ici ?

— Mes enfants, dit Guéméné (et il regardait Thérèse avec une fixité singulière), ne vous séparez pas, ne vous séparez jamais par votre faute. Lorsqu’on est marié, autant qu’on le peut, il faut lier ses vies. Souvenez-vous de ce mot-là…

Sur le boulevard, Thérèse et Fernand se serrèrent l’un contre l’autre, d’instinct, sans rien dire. Cette visite les avait troublés. Ils ressemblaient aux fidèles qui sortent d’une église où de grands exemples de foi les ont avertis de leur tiédeur. La dernière phrase du veuf surtout : « Il faut lier ses vies », tourmentait la jeune femme. Lier ses vies, c’était donc la formule du grand amour, puisqu’elle était tombée des lèvres, passionnées encore, de cet héroïque amant. Lier ses vies… mais était-ce abdiquer son « moi », s’abîmer dans l’autre être, ne plus exister ?… Et tout à coup, elle se souvenait de ce qu’elle était : Thérèse Herlinge, l’interne des hôpitaux de Paris. Un ressaut de vanité la redressa au bras de son mari. À ce simple médecin de quar-