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princesses de science

celui que j’estimais le plus ; mais que vous m’aimiez je ne m’en serais jamais doutée, par exemple !

— Thérèse, reprit Guéméné, s’abandonnant tout à coup à la familiarité du prénom, moi aussi, je l’ignorais ; j’ai longtemps travaillé à vos côtés, comme un bon élève auprès d’un autre bûcheur, sans vous voir. Je n’admettais pas la femme-médecin, pas sa « mentalité », pas son opportunité ; il a fallu ce caractère exquis, cette nature qui vous rend sympathique à tous, pour me montrer en vous, peu à peu, une amie intelligente et droite. J’ai joui de votre présence continuelle, inconsciemment. Vous vous êtes emparée de moi très doucement, par un charme tellement subtil et incessant que je ne l’ai pas senti. L’agrément que je trouvais près de vous, je l’attribuais à votre intelligence et à votre humeur délicieuse. À la salle de garde, j’aimais vous avoir pour voisine, sans songer de quelle incomparable vie à deux ces repas pris côte à côte, dans le vacarme de la gaieté ambiante, pouvaient être le prélude. De jour en jour, vous me pénétriez de vous, de votre esprit joyeux, de votre regard si franc, et, lorsque je quittai les Enfants-Malades pour m’établir, je pus mesurer le vide que laissait dans ma vie votre absence… Le besoin que j’eus alors de vous m’éclaira. J’ai connu ce que vous étiez pour moi, un soir d’indéfinissable ennui, en vous retrouvant dans un groupe photographique d’internes, pris l’an dernier aux Enfants-Malades.