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princesses de science

aux trois fenêtres ouvrant sur l’avenue, quatorze personnes déjà présentes y mettaient un bourdonnement indistinct et une chaleur parfumée de bal. Aussitôt il y eut un arrêt dans les conversations. On se levait, les mains se tendaient ; Thérèse était dévisagée, pour la singularité de son cas d’interne mariée, pour sa jeune gloire, car sa réputation de travailleuse était établie. Tant de figures bougeant, papillotant devant elle, lui causèrent tout d’abord un éblouissement ; mais la fine et sombre silhouette de madame Lancelevée, qui se remarquait toujours dans n’importe quelle assemblée, attira son attention. Puis ce fut Artout, dont la forte carrure, les soixante ans dominateurs et le verbe haut affirmaient tout de suite aussi la personnalité. Il lui frappa doucement sur l’épaule, comme à un jeune camarade, disant d’une voix qui retentit dans tout le salon :

— Eh bien ! pas encore de bébé ?

Et, en vieil accoucheur, il lui scrutait la taille d’un air grave. Au même moment, le visage mat et la belle barbe assyrienne du docteur Gilbertus se profilèrent derrière lui. Le vulgarisateur de la science moderne, à force d’intrigues, réussissait à se faire inviter maintenant aux dîners des Herlinge. Il prenait des poses solennelles d’acteur. Son habit n’avait pas pli. Tout le laborieux effort médical de l’époque semblait enfermé sous son front blême. Thérèse s’amusa de voir ce génial charlatan faire si bonne figure dans ce milieu scientifique. Comme il