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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/174

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princesses de science

— Viens donc, Thérèse, que je te présente à madame Jourdeaux.

Et elle eut un intraduisible accent d’orgueil maternel pour prononcer :

— Ma fille, madame Guéméné, interne à l’Hôtel-Dieu.

Les deux jeunes femmes se pénétrèrent d’un regard. Elles étaient également belles, de même âge, de même taille ; mais l’une s’épanouissait dans le bonheur ; l’autre, physionomie douce et résignée, traînait jusqu’ici son malheureux mari que dévorait, vivant, la plus horrible des infections internes : le cancer.

On entendit madame Lancelevée qui prononçait près du piano :

— Boussard ? Je le connais à peine. Je ne l’ai vu que rarement.

Dans l’embrasure de la fenêtre, Artout avait saisi par le poignet le jeune Bernard de Bunod et s’entêtait à l’occuper de ses bavardages :

— Ce Morner que vous apercevez là-bas, droit comme un terme, à côté de Guéméné senior, avait une autre étoffe que Janivot. Ses vices l’ont gêné. Il exploite petitement les plaques électriques dans je ne sais quel quartier populeux des faubourgs, tandis que Janivot pressure les riches neurasthéniques dans son établissement morticole de Passy. Mais Morner, sans l’alcool et sans la flemme, serait devenu quelqu’un. Il a été mon élève. Il promettait.

Très absent, à mi-chemin toujours entre la réalité