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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/188

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princesses de science

elle leur donnait des ordres : c’était entre la maîtresse et les domestiques une télégraphie mystérieuse. Un bien-être s’ensuivait pour les invités. Le service se faisait comme par enchantement. Herlinge était ravi. Il tirait vanité de ses dîners autant que de ses diagnostics célèbres. On en causait en ville ; c’était sa supériorité sur Boussard qui, le surpassant en talent, en hardiesse, en initiatives scientifiques, n’aurait pu, dans son intérieur disloqué d’homme sans foyer, tenir une table comparable à celle-ci. Lorsqu’on s’exclama sur la succulence du risotto, il rayonna. Ce fut le dédommagement des soucis, des peines, des courses, des préoccupations et des fatigues que, depuis huit jours au moins, madame Herlinge s’était infligés.

On s’excitait : la table devenait bruyante. Il y eut un désaccord entre Artout, Herlinge et Janivot d’une part, Boussard, de l’autre, sur la sérothérapie de la tuberculose. Les trois premiers niaient la valeur du vaccin de singe appliqué à l’homme ; Boussard, au contraire, citait des faits probants. Audacieusement, Thérèse se mit de son côté. Jeune et ardente, elle poussait la foi dans les sérums à un plus haut degré que ses aînés. Elle éleva la voix ; on se tut pour l’écouter ; les yeux allumés, belle de foi, de sincérité, d’enthousiasme, elle tint tête à Janivot, à son père, au vieil Artout lui-même. D’ailleurs, elle pouvait bien le dire : du sérum de singe, elle s’en était procuré, grâce à un camarade de l’Hôtel-Dieu, préparateur à la