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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/194

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princesses de science

Saint-Antoine, mi-moderne et mi-antique, avec son air de couvent restauré ; la Salpêtrière aux allées somptueuses, palais royal de l’hystérie ; puis Tenon, l’hôpital nouveau, avec ses cloîtres où l’on voit cheminer, pareils à des moines blancs, les escouades d’étudiants suivant leur chef. Et ce furent encore Laënnec, pittoresque et archaïque, avec le clocher léger de sa chapelle ; la Charité, célèbre par les fresques de sa salle de garde gothique ; l’Hôtel-Dieu, solennel et imposant, avec les galeries superposées qui enclosent sa cour intérieure… Morner lui-même devint loquace. Gilbertus, fourrageant sa barbe noire, daigna s’égayer.

Dans cette animation d’hommes qu’excitait le tabac, Fernand Guéméné se taisait. Comme s’il eût étouffé dans la pièce, il était allé s’asseoir sur le rebord d’une fenêtre. L’esprit loin des causeurs, il mâchonnait un cigare, préoccupé d’une idée qui lui était venue tout à l’heure, tandis que sa femme discourait. Une rougeur lui montait au front ; une émotion lui serrait la gorge. Il ne percevait rien des propos qui s’échangeaient autour de lui ; mais toujours il entendait Thérèse, hardie et assurée, prouver sa valeur, raconter ses recherches, étaler ses succès, se placer, malgré ses vingt-cinq ans, parmi les illustres. Et il se disait : « Que peut-elle bien penser de moi ? en quelle estime me tient-elle ?… »

En effet, qu’était-il, lui ? Un modeste et insignifiant médecin de quartier, pas davantage. Comme