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princesses de science

s’agitaient dans cinq bocaux remplis d’une ouate blanche comme elles-mêmes. Des rats au museau rose grattaient nerveusement les parois de verre d’un aquarium. Entre les quatre pieds d’une table, on avait logé la boîte des cobayes. La plupart, inoculés et malades, se roulaient en boules de fourrure fauve. D’autres, sains et vifs, s’asseyaient dans la paille et, de leurs minuscules pattes de devant, avec un petit air têtu et sérieux, faisaient leur toilette. Cinq beaux lapins gras grignotaient des carottes dans une cage, sous l’étuve, et la jolie chatte cardiaque dormait en rond, au fond d’une corbeille.

Thérèse cultivait des bacilles dans du bouillon, dans du lait, dans du suc de pommes de terre. Des liquides troubles, équivoques, dans des fioles de toutes formes, peuplaient ses étagères. Ses doigts déliés et souples de jeune patricienne, faits pour diriger les fils emmêlés des dentelles, les soies, les fuseaux, les aiguilles des féminines adresses, se jouaient dans ces flacons terribles, lourds de toxines et de fléaux humains. Elle maniait ainsi, jouissant de sa formidable puissance, la fièvre typhoïde, la pneumonie, la scarlatine, la diphtérie, jusqu’aux monstres invisibles de la tuberculose. Elle se sentait posséder la mort.

Son travail lui offrait de tels plaisirs qu’elle ne pouvait s’en arracher. Sous la direction de son père, elle soigna une cardiaque par la glace et obtint des résultats inespérés. Elle ne quittait plus cette