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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/204

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princesses de science

met sa fierté dans une discrétion douloureuse. Puis l’amer plaisir de mettre en faute celle qui n’avait rien voulu lui sacrifier le tentait. D’ailleurs, l’importance des travaux de sa femme rendait très difficile ce dérangement soudain : les études de laboratoire ne se prennent ni ne se quittent à l’improviste. Si elle revenait à contre-cœur, sans pouvoir cacher une pointe d’humeur, quel supplice pour lui !…

Et il déclara aux domestiques n’avoir là qu’un abattement causé par la fatigue.

C’était le premier malaise qu’éprouvait sa vigoureuse santé depuis son mariage. Il souffrit de sa solitude, avec des excès, des outrances de sa sensibilité déchaînée. Il rêvait d’une maladie légère, subie près d’une Thérèse toute à lui. Elle glisserait dans la chambre à pas assourdis, lui offrirait des tisanes et des sirops avec les gestes amoureux qui exaltent. Elle le calmerait par sa seule présence, ses sourires apaisants, sa vision aperçue dans la glace, son silence. Par instants, même, il se figurait la voir à son chevet, — et rien : elle était loin, l’oubliant à distiller des virus dans des fioles.

Il l’appela, lui suggéra de revenir, croyant à une télépathie merveilleuse. Des afflux de sang lui battaient aux oreilles ; le tic tac de la pendule en accompagnait le rythme en mesure. Un affreux ennui le saisit : il essaya de dormir. S’étant réveillé après un bref assoupissement, il se crut à la fin de l’après-midi : la pendule marquait une heure