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princesses de science

vingt. Dès lors, de cinq minutes en cinq minutes, il regardait l’heure. Dans l’intervalle, il dénombra les fleurs de la tapisserie et y découvrit des figures fantastiques. Il prit sa température, fit de mémoire des opérations arithmétiques, s’assujettit à nommer mentalement tous les muscles de l’homme : les douleurs de tête le terrassèrent.

Il fut près de faiblir, d’envoyer chercher Thérèse, puis se gourmanda. En consentant à l’épouser étudiante, n’avait-il pas pris l’engagement de respecter son métier ?… Pouvait-il attendre d’elle cette dévotion intégrale, apanage de la femme uniquement consacrée à son foyer ? Non ! C’était une associée dont il ne devait pas gêner l’œuvre. Il fallait bien s’habituer à cette conception un peu spéciale du mariage. Mais que serait-ce, le jour où elle deviendrait médecin ? Le mari compte-t-il près de la clientèle d’une doctoresse ?

Son esprit, malgré ses efforts, revenait toujours à Thérèse. Il l’imaginait à ses côtés : les beaux cheveux noirs s’étalaient sur l’oreiller, encadrant le visage aux minces narines ; sous les cils mi-clos, la nacre de la sclérotique glissait doucement. Et il rappelait ses traits avec désespoir, comme s’il l’avait perdue… Ensuite une rancune l’irrita contre elle. Quel amour parcimonieux était le sien ! Comme elle se réservait, ne donnant d’elle que le strict nécessaire, marchandant le reste, vivant ailleurs, se refusant à la fusion complète !… Et il récapitula toutes les menues peines, les chagrins minimes,