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princesses de science

cruels et innombrables, qu’elle lui avait causés depuis sept mois… Alors il tomba dans une tristesse mortelle : jamais il ne serait heureux, sa vie était manquée…

À six heures, la porte s’ouvrit brusquement ; Thérèse entra essoufflée, affolée, toute blanche :

— Mon chéri ! mon chéri ! qu’as-tu ?

Il se souleva sur l’oreiller, la serra contre lui. Dans sa joie de la retrouver, il oubliait les phrases qu’il voulait lui dire.

Quand ils furent las de baisers, elle lui demanda, se désolant :

— Pourquoi ne m’avoir pas fait prévenir ? l’hôpital est à deux pas…

Il répondit :

— Je voulais m’aguerrir, apprendre à me passer de toi. Mais je ne peux pas, Thérèse, je ne peux pas…

La jeune femme frémissait : la plainte de son mari pénétrait en elle. Il ne réclamait rien pourtant, ne formulait pas un désir, ne précisait pas une volonté. Mais elle se raidissait comme s’il avait cherché à lui prendre de force sa liberté, et qu’elle dût se défendre. Il était jaloux de sa médecine, elle le voyait chaque jour ; et cette susceptibilité d’un amour exclusif l’offensait moins qu’elle ne la flattait. Quelle force il faut à une femme pour lutter sans cesse contre le vœu inexprimé, la prière latente du mari qu’elle adore !… Elle possédait deux vies, également surabondantes, passionnées, intenses :