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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/213

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princesses de science

qui m’empêchait, plus tard, d’être chef de service dans un hôpital d’enfants ? L’obstacle est venu, il est créé, comme tu le dis si fièrement ! Il me faut donner ma démission d’interne : de quoi vais-je être capable pendant cette maladie de neuf mois ?… Et après, ce sera commode, l’établissement, la clientèle, avec cet enfant, la nourrice…

— La nourrice ! dit Guéméné vivement ; tu ne le nourriras même pas ?

— Ah ! non, pas ça ! reprit-elle avec force. Neuf mois, passe encore, mais pas trente-six !

Guéméné se redressa, et, la défiant :

— Quand je consens à accoucher une femme de ma clientèle, c’est à condition qu’elle s’engage à nourrir, si elle le peut.

— Eh bien ! dit Thérèse, la voix altérée, je prendrai Artout.

Elle ne pleurait plus, était retombée dans le fauteuil, frémissante, incapable de résister à cet écroulement de ses espérances. Lui marchait à grands pas dans la chambre. Un silence, le silence de leur premier désaccord grave, pesait entre eux, les séparait comme une épaisse muraille.

— Dire que tu n’as pas eu un mot de pitié ! fit enfin Thérèse, amèrement.

Il s’arrêta. La colère faisait trembler, sous sa moustache, les coins de sa bouche.

— De la pitié, parce qu’heureuse, aimée, jeune et saine, tu t’épanouis normalement dans la maternité ?… Est-ce que tu t’aviliras du fait d’enfanter ?