Aller au contenu

Page:Yver - Princesses de Science.djvu/216

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
206
princesses de science

Guéméné, très fermement, répliqua :

— Ma femme n’abandonnera jamais sa médecine, je le sais. D’ailleurs j’estime n’avoir pas à le lui demander.

Il ne remarqua pas le léger mouvement de Boussard. Il le vit seulement plus pâle encore que de coutume, d’une gravité triste, avec sa blouse d’hôpital, le tablier, le faux col trop haut qui dressait sa tête chauve, où de rares cheveux blonds grisonnaient en couronne.

Son divorce avait été prononcé deux semaines auparavant. À quarante-six ans, il se retrouvait seul, libre, sans foyer, avec le désir d’une vie sentimentale à refaire, le besoin d’une compagne, tout ce qui trouble enfin vingt ans plus tôt les jeunes hommes ; mais, par surcroît, il endurait aujourd’hui la fatigue de l’expérience, la perte des illusions, la mort de tout enthousiasme.

Depuis cinq mois une femme s’était imposée à son esprit. Elle suivait assidûment ses cours, ses conférences, sa clinique de l’hôpital même, et, absente, l’obsédait encore de son image. C’était la doctoresse Lancelevée qui, au dîner des médecins, chez les Herlinge, avait produit sur lui une si forte impression. À cette impression persistante, il cédait ou résistait, selon les jours. L’étrange était qu’elle et lui semblaient avoir reçu de cette même rencontre la même commotion. La mystérieuse femme paraissait le rechercher. Ils n’avaient point échangé une parole. Ils continuaient à se troubler l’un